Cette histoire est canadienne...

Cette semaine, j’ai eu un téléphone qui est venu interrompre ma paix d’esprit, mais surtout toute l’affection que je vous porte. Le genre d’appel où l’on se demande si c’est honnête. Somme toute, on se demande franchement si ce n’est pas le truc de la caméra cachée qui nous épie pour nous prendre au jeu des imbéciles heureux ou si ce n’est pas simplement qu’une autre arnaque de mauvais goût. Mais non, l’homme au bout du compte était sérieux. Il voulait discuter business avec Monsieur TAG.

D’abord, l’homme m’interpella par mon statut civil de « Monsieur » en me vouvoyant jusqu’à la deuxième phrase. Dès la deuxième phrase, il se mit au tu, à tuer la distance de ce qui est à toi et à moi, je te moi et tu me suis et autres pronoms trop personnels, disons, pour un contact d’affaire respectable. L’homme, celui qui est devenu mon meilleur copain en deux minutes, me fait miroiter des signes de piastres bien avant qu’il émette une seule proposition cohérente. J’avoue, j’ai hésité un iota avant de l’envoyer paître ailleurs parce que l’homme avait été référé par l’une de mes connaissances que je respect.

L’homme se présentait comme un ancien entrepreneur-paysagiste converti en professionnel des affaires, disait-il, parce qu’il en avait marre de gérer « une garderie ». Ce sont ses propres mots. Vous savez le genre de mec qui est mesure de mettre les entreprises sur la voie du succès. Le genre qui prône le chemin de la prospérité comme l’entendent la plupart des chambres de commerce enrubannées dans des désirs d’abris fiscaux ou en utilisant des ouvriers bon marché, plutôt mal payés. Le genre de gérant d’estrade qui se croit d’un grand professionnalisme parce qu’il a géré une entreprise merdique de type « Tony landscape » et je ramasse les chèques, sans réellement savoir ce qu’il foutait-là. Calice de christ! Ça me met en tabernacle! J’étais en furie.

Trop souvent, dans les chambres de commerce, on parle d’argents et de profits, trop rarement de ceux qui y bossent, les travailleurs. Ce sont des hommes et des femmes qui participent à la progression des entreprises. Le gestionnaire, lui, n’est qu’un coach qui se trouve derrière le banc des joueurs. C’est lui qui profite des meilleurs éléments de sa troupe pour les introduire au bon moment, dans la mêlée. Enfin… J’ai donc écouté patiemment le refrain du chanteur de charme qui m’horripilait au plus haut point. L’homme disait être en mesure de me fournir de la main-d’oeuvre bon marché. Une main-d’œuvre venue d’Amérique du Sud. Je lui rétorquai que j’avais déjà des employés étrangers, des Français en l’occurrence, qui participaient à la progression de l’entreprise par leurs habilités et leur professionnalisme.

L’homme se mit à questionner mon cheminement en tant que gestionnaire d’entreprise. Il insista par trois fois :

    - Les Sud-américains sont, de loin, plus travaillants que les Français! dit-il sans gêne.

J’ai hésité sur le coup. Est-ce que TAG serait plus efficace avec des latinos qu’avec des Français? J’avais cette terrible impression, celle des esclavagistes qui devaient mettre tout en œuvre pour vendre leur butin humain comme les meilleurs animaux de la ferme. J’ai hésité sur le coup. J’ai hésité! J’ai hésité de lui dire merde!

    - Je vous laisse maintenant que je lui dis. J’ai un rendez-vous avec MA réalité.