Lettre SFA 46, automne 2007

Je hais les arbres !
En particulier ceux de mes voisins : l’un, un vieux mûrier qui tâche abondamment les briques roses de mon barbecue ; l’autre, une haie de peupliers (et pas qu’un peu !) et ce, malgré une entreprise de paysage élagage-déminage-ramonage qui, tous les cinq ans la coupe de moitié. En attendant qui c’est qui s’tape le nettoyage des gouttières ? La même boite au noir ! Moi, j’aspire à la paix dans mon pavillon de rêve d’un lotissement idéal en bord de national. J’ai fait planter un olivier, un vrai d’Estramadour, 3 mètres de haut pour 250 ans, à côté de mon spa ça jette !

Je hais les arbres !
Surtout en ville, n’est pas Venise qui veut, les trottoirs n’arrêtent pas de gondoler ! Qu’est ce qu’ils attendent pour trancher ces sinueuses racines ! Ma mère risque chaque matin de se déhancher, c’est sûr, au moindre faux-pas j’attaque le maire ! En été sur la promenade le miellat des tilleuls défigure nos « BM » ! L’automne c’est un infâme brouet, un salmigondis d’humus, sans parler des piafs qui viennent s’y réfugier ! Ma Laguna ressemble à une mangrove ! En ces temps d’épidémies venues d’Afrique, d’Asie et d’Angleterre… ça fait réfléchir, non ? Les arbres y’a qu’à les parquer ! Là d’accord, mon bull-terrier adore y faire ses besoins !

J’adore les arbres !
Dans les parcs aventures, là tout n’est que bluff, inox et satiété. Tout est sursécurisé. Les troncs sont enserrés, perforés, jugulés. Les câbles lubrifiés, le sol compacté. D’énormes branches mortes dans le houppier tremblent bien lors des tyroliennes mais alalaïtou ! Qu’avons nous à craindre d’une activité chapeautée par Jeunesse et Sports ! À l’encadrement d’aimables béotiens bardés de leur brevet d’escalade, des pros ! Pas comme ces grimpeurs-encadrants dont le but inavouable est de nous rendre sensible à ces soi-disant êtres vivants, certainement d’anciens tox chlorophyliques !

Je hais les arbres !
Paraît qu’ils pompent des quantités astronomiques d’eau ! Qu’ils rejettent la nuit, tandis que nous rêvons, la vie la vraie, à nos rangs de vergers propres, des cochonneries de CO2 ! Si j’étais abri-côtier je garantirais raz-de-marée, rivières de diamants aux florissants constructeurs de piscines qui grâce au réchauffement climatique (sic) remplissent, débordent la ligne d’oc ! Si j’étais nuage en porte-jarretelles je m’évertuerais à dessaler l’eau de mer ! Pour continuer d’éliminer nos étrons : Général des Sources ! L’eau est une perle à ne pas jeter aux Marronniers d’Inde!

Je hais les arbres!
Ô paquebots de la route, obligés de racler maints enjoliveurs contre ces alignements de platanes réfractaires à l’économie de marché ! Ô flambants conducteurs de bolibido, solidaires enfants des campagnes vinicoles, valeureuses victimes de ces acerbes palmatilobés dont le comportement violent tend à être démontré par leurs gènes coloniaires ! Permettez que j’érige votre tombeau sur leur cadavre fumant ! Oui, vivement que l’Office Zanitaire des Feux-Follets étendent sa mainmise et son zavoir faire en matière de rentabilité. Qu’en noble conquérante des cimes, elle revendique haut et zef sa place d’unique calife qualifié pour l’ensemble du domaine arboricoultourel ! Et que les autoroutes privées fassent le reste !

J’adore les arbres !
Depuis que couchés sur le papier ils ont avantageusement remplacés l’airbag bimbo nibards, ringard, auprès des derniers Hummers hybrides à vitre teintée. Lorsque Malus, ils sont l'emblème d’un parti politique qui impose le Bonus Meritatis, le retroussage de manche (de pioche) au détriment de l’acte de penser (en herbe) ! Sans parler de ces beaux logos arborescents des snack Valhor paysagistes loueurs de squad ; d’agences de coach en green-washing, des banques éthiques et croc j’t’assure la vie la voiture et le vers dans le fruit ! C’est viril, efficace et recyclable ! Avec l’avènement du virtuel tout le monde est green ! Surtout moi et Areva. Avec moi rêvez ! Quant aux arbres pleureurs… Coupez leur la tête!

J’aurais pu signer cet article Super Dev’. À quoi bon avancer masqué. Pour vivre caché vivons heureux !
Je suis devenu arboriste-grimpeur parce que j’écrivais. Je voulais connaître ceux qui me tendaient leurs feuilles.
Un matin, soudain devenu sourd à leur parfum, j’ai assis la tronçonneuse sur mes genoux et je l’ai trouvée amer et je l’ai jetée ! Depuis je parcours l’école buissonnière. J’apprends à désapprendre. Mon coach illico me rappelle à l’ordre :
– Ok coco lâche-toi, mais n’oublie pas le thème majeur là, sur le… Glanage. Mais le site surtout, le site de la SFA avec com’, forum et saccharum ! Son slogan : un réseau de professionnels des arbres.
Au début nous pensions mettre « Touchez l’arbre » en hommage à Alex Shigo. Trop scientifique ! « Un réseau de passionné-e-s ». Pas assez sexe ! Nous avons tranché nom d’un CA ! Quant aux amateurs, qu’ils ne se formalisent point, quand j’agite la souris, j’en suis un aussi. D’ailleurs ne cessons-nous pas de l’être ? Bref c’est un site sérieux et réservé aux amoureux. Quel glanage ! C’est haubanage qui porte le thème cet automne. Cette technique peut-elle rassurer notre culture de mort française au sujet des cimes vénérables, claudiquantes, descendantes.
Mon Dieu (c’est-à-dire la Nature), que je suis bavard ! Paix à vos feuilles ! Vous qui œuvrez pour le vert paradis, bon liber !

Fil Rouge  Président de la SFA