Bonjour à tous.

Petite ouverture de sujet (sur suggestion de GRIBOU  ), pour vous relater ce qui devrait être le chantier de l'année pour moi, en tout cas du point de vue technique, et taille du pépère...

Accrochez vous, pour ceux qui sont motivés pour connaître l'histoire, c'est un peu long...

Voici donc l'histoire... En novembre dernier, je fais un devis pour un pin, imposant (le plus gros du coin), dont les propriétaires sont préoccupés par la taille (le gabarit, hein...), et qui craignent qu'il ne finisse par tomber sur leur maison, à la suite d'un gros coup de vent.
L'arbre est un pin d'Alep, comme tous les pins du coin. Il mesure une bonne vingtaine de mètres de haut, et le diamètre de la couronne est du même ordre. Le tronc a un diamètre d'environs un mètre, à hauteur d'homme, et la bille de pied mesure environs 8 à 9 mètres. De là une première fourche maîtresse qui donne 2 charpentières. Au final, l'arbre présente 5 "têtes", et a un port assez étalé.
Il présente des traces de grosses coupes, et de grosses casses, suite à des coups de neige. Du lierre couvre le tronc et les charpentières jusqu'au 2/3 de la hauteur de l'arbre (Désolé, pas de photos...)
L'arbre est en bord de propriété, et à proximité de sa base se trouvent un bassin, un petit palmier, et quelques arbres. Parmi les infrastructures à ne pas endommager, outre le bassin, il y a une ligne téléphonique, et un auvent qui sert d'abri à voitures à une dizaine de mètres au sud est de l'arbre.
Les racines semblent bien ancrées. Pas de traces de soulèvement.

J'établis 2 devis, l'un pour une taille d'éclaircie (après avoir expliqué pourquoi l'étêtage est à éviter...), et un, plus radical, pour un démontage, en ne croyant pas trop à l'éventualité de la deuxième option... C'est pourtant celle-ci qui sera choisie, vu que le client en a vu tomber pas mal à proximité, suite à des gros coups de vent... Bref, Outre le fait que l'arbre devient envahissant, il commence à lui filer la frousse... Le chantier est donc prévu pour la mi-décembre.
Entre temps, le collègue avec lequel je bosse se blesse au bras... 2 mois d'arrêt de travail, au final... Bref, pour assurer le coup, vu que c'est un "gros chantier", je le planifie pour la mi-mars.

Je prévois trois jours de travail : les deux premiers pour démonter la couronne, et le dernier consacré au tronc seul. Vu la taille de celui-ci et le dimensionnement de mes moyens de rétention, je serais rapidement entre la CMU et la rupture pour le moindre billon d'une quarantaine de centimètres de long... Donc, après avoir vu avec le client s'il pouvait démonter le grillage (au pied de l'arbre) pour l'intervention, je choisis l'option guide long / rollotube / gallettes plus ou moins fines, et point de chute choisi, avec aide éventuelle du collègue au sol pour amener chaque pièce à l'endroit voulu, avec une corde. Ah, j'oubliais : le tronc a un léger penchant (vers l'auvent et le bassin), à l'opposé de là où on souhaite envoyer, ce qui complique pas mal les choses... Pour l'évacuation, on broie les branches, qu'on évacue, et le client garde le bois.

Le jour de l'intervention, je suis accueilli par le client, qui a les mêmes préoccupations que moi pour le lendemain et le surlendemain, à savoir : le vent... Je prends donc la décision de débuter le démontage par la partie sud, ce qui permettra, en cas de coup de mistral, de ne pas déséquilibrer totalement l'arbre, puisque le penchant artificiel au nord serait contrebalancé par le sens du vent. Mon collègue a un léger retard dû à un petit problème mécanique, puis bouchon sur le trajet, suite à accident... Bref, pendant ce temps, j'en profite pour installer la corde d'accès sur  la tête au nord est, qui est la plus accessible (la moins branchue) pour un bon lancer (avec un peu d'aide... Merci la sling line!!!). Mon collègue arrive quand je suis prêt à grimper. C'est parti pour un petit footlock d'une quinzaine de mètres. Puis progression vers la partie nord ouest de la couronne pour installer un deuxième ancrage, histoire de trianguler tranquille, avec le premier ancrage installé juste au dessus de la corde d'accès. Ainsi ancré, je "nettoie" un peu le centre de la couronne, histoire de pouvoir progresser sans encombres vers la partie sud de la couronne, objectif du jour. Début du démontage des branches "basses" (les premières sont quand même à une dizaine de mètres, ou à peine moins), et des pointes de la partie sud. On peut envoyer un peu gros, vu le tirant d'air, et l'ancrage de la rétention, la plupart du temps au dessus des branches à couper.
Descente vers midi pour se restaurer un peu. J'enlève un peu de lierre au passage, histoire de voir ce qui se trouve en dessous. Je trouve pas mal de vieilles blessures, assez importantes, qui me font penser que l'arbre a plus "morflé" que prévu... Je suis obligé d'abandonner mon premier ancrage, qui ne sera plus utile par la suite, vu que mon rappel est un peu juste, avec ses cinquante mètres, pour me permettre de toucher le sol en gardant mes deux ancrages à une quinzaine de mètres (Ben oui, hein, 4x15=60... Pas cinquante...  ). Donc descente souple, "plein gaz" (mais pas à fond, j'ai envie de garder mes prussiks encore un peu, même si c'est de la volcano, et que c'est les spéciaux pour les pins, qui ont déjà vécu, avec un peu de résine, et pas mal de talc...), côté nord ouest de la couronne.
Après le repas je regrimpe pour finir la partie sud, il est prévu que mon collègue grimpe le lendemain pour faire la partie nord, pendant que je passerai mes courbatures en assurant les rétentions, et en façonnant les branches coupées...

L'après midi se déroule correctement... Quelques rétentions, quelques branches envoyées en direct, en composant avec le vent qui commence à se lever, ça tombe pile poil, pas de casse, bref, jusque là, tout va bien, comme on dit...
Le soir, il est convenu que j'irai faire une reco météo, pendant que mon collègue vide le broyat dans une déchetterie... Et annoncé compte double : ça souffle... Fort...! Bref, on se rabat sur un chantier de mon collègue, avec des arbres pas bien hauts à démonter, et on convient avec le client la poursuite des opérations jeudi et vendredi prochain, en espérant que la météo nous le permette... Le client me demande si les branches restantes ne risquent pas de casser entre temps. Je lui réponds que ça serait étonnant, vu que les branches qui restent ne seront pas plus exposées, car elles sont "au vent", et que c'est celles qu'elles abritaient qui ont été enlevées.

Le jeudi soir, je reçois un MMS de mon client, que je ne peux lire sur mon tél. Je l'appelle pour savoir ce qu'il en est, et il m'annonce que la tête sur laquelle j'étais ancré la veille est dans son jardin (sur le palmier qu'on s'était appliqués à éviter, avec succès...) avec la branche qui la tient, jusqu'à la fourche maîtresse la plus haute (quatre mètres environs...). Il me fait part de ses craintes quant à l'autre partie de la fourche, encore sur l'arbre, mais dont la déchirure court sur une bonne partie de l'axe... Gros coup de vent le soir et dans la nuit...
Le matin, je reçois par mail les photos des dégâts... Et, je constate que l'autre partie de la fourche est tombée aussi... Heureusement sans faire de dégâts importants...

Au final, il ne reste "plus" que la tête sur laquelle j'avais installé la corde d'accès, et deux branches basses... Là où c'est moins glop, c'est que les axes qui ont été arrachés auraient été bien utiles pour s'ancrer encore, et aussi placer la rétention...

Bref, ça reste encore possible, mais ça sera plus "pointu"...

Enseignements tirés jusque là : Des branches levées même sous le vent pourraient elles provoquer les casses de celles qui les protégeaient? Apparemment, oui. Explication possible : l'écoulement d'air en aval n'étant plus freiné, une rafale aurait plus d'effet sur la branche restante... Et en aérodynamique, il est admis que l'air "tire plus qu'il ne pousse"...
Bon, faut dire que lors de la casse, il y a eu des pointes à 130 km/h... Et même chez nous, c'est pas commun...

La suite à la fin de la semaine prochaine...!